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Les aventures d'Haffy
26 janvier 2012

Bulle

Je bulle ... et culpabilise lorsque je bulle. Une sorte de rituel s'est installé : comme avant, je me lève à 6h, petit-déjeune et file dans la salle de bain avant d'aller réveiller Lou. Comme avant, je m'habille, lui laissant ainsi le temps d'émerger doucement. J'ai souvenir de la lumière crue des néons allumés à 7h00 par Soeur Joy, de la "grande lumière" envahissant l'espace de ma chambre lorsque papa me réveillait à Gargan. Je détestais cette brutalité et ne la reproduis pas sur mes enfants. Ensuite, c'est aussi petit-déjeuner pour lui, toilette et les dents en attendant que sonne le portable qui annonce l'arrivée de Xavier. Je laisse mon fiston dans le taxi : "Un bisou toi, un bisou moi !" et ils sont partis. En ce moment, il fait froid et noir. Un certain matin, les laissant derrière moi, je me suis éloignée machinalement vers la 207, en route pour le labo, avant de réaliser que LTC n'existait plus. Quelques secondes de désespoir abyssal, certitude d'un vide infini, des larmes refoulées. Retour maison, soudain pressée de me noyer dans l'habitude des petites tâches ménagères  matinales avant de m'installer devant l'ordinateur.

Ah, le net ... lien indispensable mais virtuel vers les autres. Après la fermeture, j'ai reçu une première invitation à être "amie". J'ai accepté et le miracle de l'espace câblé a aussitôt fonctionné. S'en sont suivi d'autres invitations parfois surprenantes. Je connaissais bien les ouvriers de visage mais peu par leur nom. Certains ne mettent pas leur photo mais une image évocatrice sans doute pour eux. Mais pas pour moi. Alors, je suis "amie" avec un ouvrier du labo qui n'est autre qu'un bonhomme de Noël en chocolat. Les @'s aussi, nombreux au départ et s'effilochant avec le temps. Chômer, c'est essentiellement attendre : attendre un appel, attendre une lettre, attendre un courriel. Alors, je me connecte, lis, réponds, fais les soldes virtuellement ou comment remplir son panier sans jamais rien dépenser puisque j'abandonne les sites au moment de la validation. Mais peu importe, je me suis bien amusée à explorer toutes ces rangées d'images. Je me connecte à Pôle Emploi, choisis les annonces qui me plaisent plus qu'elles ne m'intéressent : j'aime les descriptions de poste atypiques, qui évoquent quelque chose ou quelqu'un, peut-être ma future réalité professionnelle.  Si j'apprécie le gain de temps, de papier et d'argent - oubliés les stocks de papier à lettre, d'enveloppes et de timbres - via l'utilisation intensive des courriels, je regrette la déshumanisation des recherches. Deux options s'offrent à moi : la réponse automatique standard "pris bonne note de votre candidature ... sans nouvelle sous quinzaine ... nous conservons cependant votre CV dans nos fichiers" ou pas de réponse du tout. "Oui mais quand tu reçois 200 CV's" m'a objecté Liloute actuellement en stage de recrutement. Eh bien, tu fais un mailing négatif mais tu prends le temps de répondre à celles ou ceux qui ont pris le temps de t'écrire. Elle n'était pas convaincue, moi si. La réponse de la Lyonnaise était négative et extrêmement standard mais j'ai été heureuse de recevoir au moins UN courrier. Peu importe que l'on soit ou pas en poste, nous restons des gens, des personnes. Or là, le désintérêt manifeste des recruteurs pour quiconque n'entre pas dans le profil recherché frise par leur silence la simple non existence : nous les vivants avons écrit, exposé nos motivations au travers de la fameuse lettre dont on se demande si elle est ou jamais lue ? Comment croire que les habitants d'une rive ne puissent prendre quelques minutes pour s'adresser aux habitants de l'autre rive ? Je dois être vieux jeu à vouloir qu'un peu de chaleur humaine subsiste dans un monde ou tout est compétition. Quant au pourquoi du non, je ne le saurai jamais. Autre dommage : comment mieux s'adapter au marché du travail si vous ignorez tout de vos censés défauts ? 52 ans, je me doute que ce n'est pas mon atout premier ! Lorsque je suis entrée chez TRV, Pierre devait avoir à peu près le même âge et nous pensions tous - la moyenne d'âge de la société devait tourner aux alentours de la petite vingtaine - qu'il était "vieux". Alors mon âge combiné à mes 18 dernières années d'expérience dans une seule et même structure me paraissent soudain trop : j'ai adoré mon poste jusqu'à l'arrivée de Choléra mais apparemment personne ne se pose cette question. La conclusion serait plutôt que je n'ai pas évolué. D'ailleurs, dans les vacheries de Choléra figurait cette mention : "Regarde Haffy, elle n'a pas beaucoup évolué". Mais Haffy aimait ce qu'elle faisait et n'en demandait pas plus. J'imagine que pour une personne dévorée d'ambition se satisfaire de ma fonction devait être tout simplement incompréhensible ou synonyme de d'incompétence ... Or chacune des fonctions que j'ai occupées tenait à cela : aimer ce que je faisais, construire une place aussi banale que celle d'Assistante de Direction afin de la rendre intéressante sinon passionnante. Sans compter que Choléra n'avait jamais dû lire mon CV et savoir que pour tout diplôme d'études supérieures, je n'ai jamais eu qu'un BTS ! 

Je termine mes "travaux" net en général en fin de matinée. Ensuite, je déjeune. Avant je mangeais sur le pouce un peu de ci, un peu de ça. A présent, je m'offre une vraie pause, histoire d'avaler un vrai repas même léger. C'est le après qui m'interpelle car si je me débrouille toujours pour mettre le nez dehors au moins une fois par jour, hors les demandes subites et toujours pressées des enfants, si j'ai bien en tête tout un tas de projets, je ne parviens pas à provoquer le déclencheur qui va me pousser à démarrer ces mêmes projets. Alors, je bulle : un coup de barre, je roupille comme une bienheureuse, un programme qui me plait et je m'installe devant le petit écran, envie de me vider l'esprit, j'attrape les su-do-ku, envie que l'on me raconte une histoire, j'attrape un bouquin. Je bulle, je culpabilise.

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Commentaires
C
A buller ...<br /> <br /> Si c'est le terme que tu choisis ... <br /> <br /> Depuis le mois de juin, où j'ai laissé derrière moi le monde des travailleurs parce que me rendre au travail devenait dangereux pour moi (ma voiture ne faisant pas le poids face à un 38 tonnes) je me suis découvert nouveau job, "Chercheuse d'emploi à mi-temps" ... Ce genre de sport me prend en général la matinée, entre les alertes que je reçois des différents sites de recherche, la consultation des offres pôle emploi etc ... Et encore, quand il y a des postes qui me correspondent !!! Le plus souvent, je m'énerve quand je découvre que pour exercer mon métier de comptable, il faut maintenant que je parle TURC ou TAMOUL (???). Aussi quand on me demande de travailler pour le SMIC et de remplir les fonctions d'un chef comptable, ou presque ... Quant aux réponses ? Elles se comptent sur les doigts d'une main pour 20/30 candidatures par mois envoyées ...<br /> <br /> Le reste du temps, c'est vrai, je bulle ... Oh, je fais bien un peu de compta pour mon mari, j'écris un peu pour ne pas m'ankylosé l'esprit ...<br /> <br /> Mais je bulle ... je bulle ... et je culpabilise ... <br /> <br /> Courage Haffy, tu n'es pas seule ...
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